Au cours de la seconde partie de l’âge du Bronze moyen, des ornements corporels en bronze étaient produits et enfouis en quantité importante dans la
moitié nord de l’Europe atlantique, essentiellement en contexte de dépôt pour ce qui est de la France atlantique et du sud de l’Angleterre.
À travers l’étude typo-technologique fine des bracelets, anneaux de cheville, épingles et torques provenant de France et du sud de l’Angleterre, ainsi
que par l’analyse des manifestations et modalités de ce phénomène généralisé, ma thèse de doctorat a contribué à préciser le cadre chrono-culturel, socio-économique et symbolique
du Bronze moyen atlantique 2 (BMa 2)
Bien que notre vision de cette période
repose essentiellement sur la culture matérielle, et notamment sur des objets sélectionnés pour l’enfouissement en dépôt, il apparaît clairement que les sociétés du Bronze moyen atlantique allouaient
aux productions en bronze un statut particulier.
Le phénomène des dépôts évolue nettement, notamment à travers l’accroissement
considérable de la masse métallique enfouie et immergée, qui n’a jamais été égalée au cours de l’âge du Bronze.
Si cela concorde certainement avec une forte augmentation de la production, elle ne suffit pas à expliquer la quantité pléthorique d’objets en bronze retirés du circuit économique. Selon l’image qui nous
en parvient, le bronze se place au cœur des réseaux socio-économiques et commerciaux, et donc certainement politiques, et est investi d’une forte charge symbolique, traduite dans le phénomène de dépôt.
Cette dimension symbolique est d’autant plus forte dans le cas des parures en bronze, systématiquement dotées d’une fonction esthétique, à
la-quelle s’ajoute un puissant pouvoir évocateur.
En effet, il s’agit d’instruments de communication non verbale, qui permettent l’expression
tacite de plusieurs informations pouvant être décryptées aisément par les contemporains du porteur, et qui sont régis par des codes.
Une
panoplie ornementale va par exemple permettre d’exprimer le statut d’un individu ou sa situation, d’exhiber sa position sociale ou hiérarchique, son apparte-nance à un groupe ethnique, de sexe ou d’âge, etc.
Ces fonctions relient directement cette catégorie d’objets aux individus qu’ils paraient, et c’est notamment pour cette raison qu’elle s’est avérée
être un excellent support d’étude.
1. Une typologie renouvelée
Par l’inventaire détaillé de 1857 ornements cor-porels en bronze (parmi lesquels 448 ont fait l’objet d’études macroscopiques concernant aussi
bien les aspects morphologiques et ornementaux que technologiques), j’ai pu démontrer que l’attribution typologique des objets de parure nécessitait d’être affinée et aussi précise que pour les autres
catégories d’objets, fournissant des informations cruciales d’un point de vue culturel et, dans une moindre mesure, chronologique.
Précisons
que cette étude se base sur un corpus fiable, qui a nécessité une relecture critique et systématique des ensembles douteux ou anciennement mis au jour.
Cette démarche a été particulièrement développée pour la région des Pays de la Loire, favorisée par le présent PCR (Mélin et Nordez, 2015 ; 2016 ; Nordez, 2015a).
Cette classification renouvelée distingue désormais quatorze types d’épingles, deux types de torques et vingt-sept types de parures annulaires (parmi lesquels respectivement
cinq, deux et vingt-six ont été nouvellement créés), au sein desquels se répartit la majeure partie des productions du Bronze moyen atlantique 2 mises au jour en France atlantique, y compris les productions imitées
ou importées depuis les régions voisines.
Il est désormais nécessaire de reléguer aux oubliettes plusieurs appellations obsolètes,
à savoir notamment le type de Bignan, qui désignait, depuis les travaux de J. Briard (1965) et jusqu’à une date récente, les parures annulaires à tige pleine (Nordez, 2015b), ainsi que le type de Picardie pour signifier
les épingles à tête discoïdale à système de fixation, sans prise en compte de leurs spécificités morphologiques et ornementales.
2. L’emploi majoritaire de la technique de la fonte à la cire perdue dans la fabrication des parures en bronze du Bronze moyen atlantique.
D’un point de vue technologique, l’étude macroscopique et la mise en place de plusieurs protocoles expérimentaux (dont une partie a été réalisée
dans le cadre du présent PCR, cf. Nordez, 2016) m’ont permis de démontrer l’emploi prédominant de la fonte à la cire perdue pour la fabrication des parures annulaires à tige pleine.
Il s’agit d’un résultat important, la mise en œuvre de cette technique étant jusqu’alors seulement supposée pour quelques très rares objets particuliers du
Bronze moyen, et sa généralisation attribuée au Bronze final.
Une chaîne opératoire différente de celle envisagée jusqu’ici
peut désormais être proposée pour la fabrication des parures annulaires à tige pleine massive décorée.
De même, des modalités
de découpe de la cire qui n’avaient jamais été perçues jusqu’alors ont été mises en évidence : l’hypothèse avancée et étayée par des exemples concrets, notamment
issus des dépôts bretons de Kéran à Bignan, Morbihan ou encore de Trégueux, Côtes-d’Armor, va dans le sens de la segmentation de colombins et de plaques de cire, permettant l’obtention de préformes,
ensuite cintrées et décorées individuellement avant la fonte.
Ce constat implique qu’au moins une partie des objets enfouis ensemble dans ces
dépôts aurait été fabriquée en même temps, et qu’ils auraient par conséquent été conçus par un même artisan ou atelier.
Le prolongement de ces réflexions permettra sans aucun doute de mieux percevoir la temporalité et certaines modalités de constitution des dépôts.
3. Vers une restitution des réseaux de circulation à différentes échelles.
À
mon sens, aucune partition du BMa 2 ne peut objectivement être proposée d’après la seule étude des ornements corporels en bronze.
En revanche,
la question des dépôts mixtes tels que ceux de Malassis ou de Sermizelles, pour les-quels un décalage était admis en chronologie relative entre Bronze moyen 2 atlantique et Bronze final 1 continental, a été reconsidérée.
Il faut probablement y voir une pratique particulière quant aux modalités de sélection et d’enfouissement au cours du Bronze moyen 2, liée
notamment à la position géographique de ces ensembles dans lesquels des influences atlantiques et continentales coexistent (fig. 4).