Bouvreuil pivoine.
La haie et le Bocage comme habitat trophique et site de repos
La haie et les formations arbustives occupent en dehors de la saison de reproduction une place prépondérante pour l'avifaune. Tout comme pendant la reproduction, la richesse floristique reflète
la richesse avifaunistique.
En période post nuptiale à la fin de l'été
Les haies sont particulièrement fréquentées par de nombreux passereaux et en particulier par les jeunes de l'année qui trouvent à la fois nourriture et couvert contre les prédateurs ou
les intempéries : mésanges, sittelle, grimpereau des jardins, roitelet commencent à former des bandes qui se déplacent d'arbre en arbre ou de buisson en buisson le long des haies.
Ce type de paysage convient particulièrement aux passereaux en cours de migration en leur servant de zones d'étape. Nous retrouvons ainsi en grand nombre les insectivores stricts et tout spécialement les pouillots
qui, outre la tranquillité et les possibilités de repos, exploitent de manière importante la riche entomofaune des haies (larves de diptères, coléoptères, araignées ... ).
Ce même type de comportement est également observé chez les gobemouches gris (Muscicapa striata) et surtout noirs (Ficedula hypoleuca) ainsi que chez certains traquets et autres Turdidés.
Les fruits (mûres en particulier) et baies offertes à profusion par les haies sont particulièrement appréciés par les fauvettes grisette, des
jardins (Sylvia borin), à tête noire. Ils constituent à cette époque la base de leur régime alimentaire dont le complément est recherché dans l'entomofaune.
Ainsi, la plupart de ces oiseaux généralement migrateurs au long cours reconstituent leur stock énergétique perdu au cours de leurs premières étapes migratoires et emmagasinent des réserves
graisseuses qui leur permettront de poursuivre leur migration en direction le plus souvent de l'Afrique.
Remarquons à ce sujet que la Bretagne, par sa position 90
géographique, constitue une zone étape privilégiée où convergent les oiseaux en provenance d'Irlande et d'Angleterre d'une part, des pays nordiques et des pays scandinaves d'autre part.
En période hivernale
Dans un paysage bocager les haies mêmes les plus clairsemées
ou les plus basses sont toujours plus fréquentées en hiver qu'au printemps par les oiseaux (O'Connor et Schrubb 1986).
Dès le début de l'automne
et surtout en hiver, la haie offre une nourriture importante et diversifiée que différentes catégories d'oiseaux exploitent.
Cette production est constituée
:
• de graines de graminées sauvages , composées ou légumineuses (ajoncs, genêts) tombées sur le bord de la haie ou encore fixées
sur les plantes. Ces graines sont particulièrement recherchées par l'accenteur mouchet, les bruants de même que par les perdrix et les faisans ...
•
de glands et de faînes produits par les grands arbres de la haie , chênes ( Quercus sp.) et hêtres ( Fagus sy/vatica) et de graines de frênes (Fraxinus excelsior) . Les glands sont particulièrement appréciés par
les geais, les pigeons ramiers, faisans ... alors que les faînes sont exploitées par les pigeons et surtout par les pinsons des arbres et du nord (Fringilla montifringil/a) ainsi que par les mésanges et la sittelle , les graines de frênes
étant consommées par les bouvreuils (Pyrrhula pyrrhula) (Greig-Smith et Wilson, 1985).
• des graines de lierre dont les tiges enserrent les troncs des
grands arbres et qui sont recherchées par les pigeons mais aussi et surtout par les grands Turdidés (grives et merles)
• des baies et des fruits des
arbustes et plantes de la haie (ronces, prunelliers ou aubépines ... ) dont la persistance sur les tiges s'étale selon les espèces plus ou moins longtemps dans la saison . Baies et fruits, selon leur taille, sont beaucoup recherchés
par les petits Turdidés (type rouge-gorge) mais aussi par les étourneaux et les grands Turdidés. Cette exploitation régulière s'accentue aux périodes de neige ou de grands froids lorsque la recherche de nourriture
sur le sol n'est plus permise.
• de bourgeons exploités par les bouvreuils et les moineaux pour une moindre part
• d'invertébrés (œufs, larves et imagos) localisés sur les branches des arbres, des arbustes et dans les fissures des écorces ou piégés dans l'épais tapis
des feuilles mortes. Ceux-ci sont recherchés par une guilde d'oiseaux insectivores comme les mésanges charbonnière, bleue, à longue queue (Aegithalos caudatus), et nonnette (Parus palustris) les roitelets huppés et triple
bandeau (Regulus regulus , R. ignicapillus) voire les pouillots véloces et le grimpereau des jardins.
Outre son rôle trophique, la haie avec ses arbres sert
de reposoir à de nombreux oiseaux en particulier aux grives, étourneaux, bruants et Fringillidés qui y stationnent avant d'aller s'alimenter sur les prairies.
Elle sert également aux Fringillidés de point de rassemblement avant de se diriger sur la zone dortoir représentée souvent par la lande, en Bretagne.
De l'influence de l'usage des sols sur l'avifaune des haies
Au printemps, la plupart des espèces se reproduisant dans les haies ont des densités similaires
dans les paysages agricoles à dominante de terres cultivées ou de prairies pâturées (Williamson 1967).
Mais en dehors de la période
de reproduction , les prairies, comparées aux terres cultivées entourées des mêmes caractéristiques d'habitat ont une richesse plus importante d'oiseaux (Arnold 1983).
Les prairies bocagères abritent des grives ou des bruants en nombre plus grand que sur les terres cultivées où le troglodyte et l'accenteur mouchet se raréfient également.
Mais la présence de fossés longeant les talus , siège d'une intense recherche alimentaire par les grives musiciennes, le merle noir, le rouge-gorge, l'accenteur, les bruants
ou même la bécasse (Scolopax rusticola) , l'extension , la qualité des haies et la surface des bois exploités par les mésanges modulent et interfèrent pour expliquer une grande partie de la répartition hivernale
des oiseaux.
Cependant on peut remarquer que dans les zones d'intense production céréalière où subsistent peu de haies et d'arbres, ces derniers
sont beaucoup plus fréquentés en hiver et sont alors le siège d'une prospection minutieuse par les rapaces notamment le faucon crécerelle (Falcon tinnunculus) ou la chouette effraye ( Tyto alba).
La production céréalière profite assez peu aux oiseaux des haies.
Bien que beaucoup d'espèces
puissent prélever sur les cultures, seule une petite quantité d'espèces (pigeons ramier et colombin, moineau , verdier, pinsons et parfois bruant jaune) en font leur source majeure de nourriture à certaines époques de l'année.
En hiver l'extension des prairies, de l'élevage et l'apport de nourriture conditionnent la présence des oiseaux surtout quand la croissance des cultures rend l'exploitation
alimentaire impossible.
Un grand nombre d'espèces (merle noir, rouge-gorge, grive musicienne, pinson, étourneau, accenteur mouchet, mésange bleue,
moineau, bruant jaune ... ) profitent en fait de ces zones importantes d'alimentation et augmentent leurs effectifs (Spencer 1982).
Par ailleurs, quel que soit l'usage
des terres, le mode d'exploitation par l'avifaune du champ entouré de haies dépend en toute saison de la proximité et de la hauteur de la haie.
L'exploitation
est concentrée dans la bordure de la haie où la terre présente une humidité bien supérieure à celle du reste du champ favorable à la faune du sol (vers, larves de diptères ... ).
Très peu d'oiseaux se nourrissent au centre du champ .
Ils trouvent dans la zone de bordure qui peut s'étendre
jusqu'à environ 4 fois la hauteur de la haie (soit environ 25m) une nourriture végétale et animale abondante et une possibilité de repli vers la haie dans laquelle ils se réfugient à la moindre alerte (O'Connor et
Schrubb 1986).
Ceci est particulièrement net pour les Turdidés , l'accenteur mouchet, les bruants et le pipit farlouse (Constant et Eybert 1980).
Cependant, cette stratégie anti-prédatrice est souvent mise en défaut par l'épervier (Accipiter nisus) qui longe les haies sur un bord et saute rapidement
de l'autre pour surprendre sur la bande de terre les passereaux en alimentation.